Noel Arnassant

(1826-1890)

Noel Arnassant est un ancien Aigues-Mortais.
les seuls éléments connus jusqu’à présent étaient sa tombe discrète au cimetière de la ville, humble monument sépulcral élevé grâce à la souscription de deux sociétés musicales locales pour honorer son dévouement lors des périodes d’épidémies, ainsi qu’une ancienne bâtisse aujourd’hui disparue connue sous le nom de « Cabane d’Arnassant », un ancien édifice situé dans les Salins du midi qui semble lié à son nom de famille. De récentes recherches réalisées par Frédéric Simien ont permis d’en savoir plus sur le personnage, sa famille, et de se faire une meilleure idée sur l’origine du nom donné au lieu qui porte son nom dans les salins [voir ici]
Le père de Noel était Hippolyte Arnassant, né à Sommières en 1787 et décédé à Aigues-Mortes à l’âge de 73 ans. Il était lieutenant des douanes Royales. En 1822 il épouse à Aigues-Mortes Marie Emilie Reynaud. Parmi Les témoins du mariage figure le frère de la mariée, Cèdre Barthélémy Reynaud, alors contrôleur des salins de Peccais. De cette union vont naitre deux enfants, Noel et peut être une sœur, Françoise (que l’on retrouve dans la succession familiale après la mort de ses parents).
Noel lui se marie à Aigues-Mortes en 1855 avec Marie Sara Ventujol, originaire de Saint Gilles (1832-1905). Il a alors 29 ans est il est menuisier. le recensement de 1876 le signale vivant avec son épouse « rue des pénitents blancs ». De leur union naitrons deux enfants, Hippolyte (l’ainé) et Marguerite. Au cimetière de la ville repose effectivement une dénommée Marguerite Arnassant, épouse Conte, décédée le 24 Mars 1949 à l’âge de 81 ans. C’était la fille de Noel. Elle était mariée avec Jean Baptiste Conte. Ce sont les parents d’Hippolyte Conte (1898-1988). On remarque le prénom d’Hippolyte, qui a été préservé au cours des générations.

Noel est emblématique ce cette ancienne génération d’Aigues-Mortais qui a vécue des années difficiles. Il n’est pas encore adolescent lorsque le Rhône déchainé brise ses digues par deux fois, en Novembre 1840 et Février 1841, dévastant la région, jetant épouvante et consternation sur la ville.

« Maintenant, tout s’est complètement évanoui. Espérances de l’agriculture, spéculations du commerce, résultats probables et matériels de tant de peines et de labeurs. Il ne resterait à vrai dire, que le désespoir, si la providence ne venait au secours de l’homme, en faisant surgir dans son cœur, au milieu même des plus grandes infortunes, la consolante idée de jours plus heureux et d’un moins sombre avenir » (Isidore Brun).

Une épidémie violente de méningite se déclare peu après les terribles inondations, aggravée par un hiver particulièrement vigoureux. « Aux causes morbifères ordinaires qui engendrent annuellement des fièvres intermittentes, des fièvres rémittentes et pernicieuses vinrent se joindre les deux inondations de 1840 et 1841, suivies des neiges et des glaces de décembre 1841 ». Le mémoire du Docteur Schilizzi, l’un des médecins qui officiait à Aigues-Mortes à cette époque, témoigne de la dureté de la maladie, qui emporte une partie de la population et plonge les Aigues-Mortais dans l’effroi. La presse Nationale et locale s’émeut de la situation dramatique vécue par les habitants de la ville.

Courrier du midi du 22 janvier 1842; « à peine délivrée des eaux qui en faisait une île depuis deux mois, la ville d’Aigues-Mortes est atteinte depuis quelques temps d’une épidémie qui porte chaque jour l’épouvante et la mort au milieu de ses habitants. Le docteur Schilizzi, que ses talents et une expérience de vingt ans parmi nous, ont investi de la confiance presque générale, se voit forcé aujourd’hui, malgré son zèle et son amour pour son art, de demander aide et secours à l’honorable docteur Fontaine, que M. Le préfet, dans sa paternelle sollicitude, avait envoyé en mission parmi nous. Il faut espérer qu’on fera droit à son philanthropique appel ».

Courrier du Midi du 17 Février 1842; « Après les inondations réitérées du Rhône, la destruction des Salins, l’une des principales industries du pays, avait plongé dans le dénuement toute la classe ouvrière de l’historique cité lorsque, au commencement de cette année, une plaie plus cruelle encore est venue assaillir inopinément toutes les classes de la population. L’invasion de ce mal a été si terrible, qu’il frappait d’une mort presque instantanée les malheureux qui en étaient atteints, et que dans le mois de Janvier seulement, sur une population de 3000 âmes à peine, quatre vingt personnes ont succombées ». Le journal stipule qu’en date de parution de l’article l’épidémie semble toutefois décroitre.

Les principaux propriétaires des salins, de grands établissements industriels de la région ainsi que quelques notables lancent alors une souscription pour aider la ville (relayée par le journal « Le courrier du Midi »). Devant des évènements aussi exceptionnels, le préfet du Gard dût mettre en œuvre des aides financières importantes pour aider la population, notamment pour la nourriture, le bois de chauffage, les couvertures etc.

« L’inondation du Rhône en 1840, si étendue et si terrible, a laissé sous ce rapport les plus douloureux souvenirs. Tout le pays était submergé, et la ville d’Aigues-Mortes allait être infailliblement détruite; ses fortes murailles, restées solides et imperméables après cinq siècles d’existence firent son salut. On mura les portes, et grâce à cette simple mesure, les habitants enfermés dans la ville et pour ainsi dire assiégés par l’inondation, purent attendre sans trop d’inconvénients l’écoulement des eaux. Des barques leurs apportaient des provisions de toutes sortes, que l’on faisaient passer par dessus les remparts. Mais les maladies les plus meurtrières, les fièvres les plus graves éclatèrent de toutes parts après cette inondation ».

Le docteur Schilizzi précise que les égouts avaient été bouchés eux aussi, pour éviter des remontées d’eau dans la ville. Il donne quelques descriptions sur les conditions de vie de la population vivant cette tragique épreuve: « outre les privations déjà énumérées, la presque généralité des indigents, ainsi que la plupart des travailleurs, se trouvaient entassés dans de petits réduits du rez-de-chaussée, dont le plus grand nombre étaient submergés par l’exhaussement ou les filtrations des eaux pluviales ».

Noel Arnassant a enfin 28 ans en 1854 lorsqu’une autre épidémie, le Choléra Morbus, s’abat sur la région. Déjà en 1849 les prémices du danger avaient effrayé les Aigues-mortais. Un article du Courrier du Gard du 17 Aout 1849 relate un évènement :

« Une émigration presque complète a eu lieu au petit hameau du Grau du Roi, à Aigues-Mortes. Quelques décès étant survenus dans cette localité, avec le caractère de l’épidémie régnante, les pêcheurs et leurs familles se sont réfugiés à Aigues-Mortes, dont l’état sanitaire continue à être des plus satisfaisant ».

Mais l’épidémie de Choléra s’abat finalement sur Aigues-Mortes en 1854. Le docteur Schilizzi sera une nouvelle fois plongé dans une gestion de crise sanitaire d’une ampleur conséquente. Les individus qui se rendirent à l’Hôpital eurent à s’en féliciter : les quatre cinquièmes furent guéris. « A Aigues-Mortes le Choléra s’est montré très rarement sous l’aspect foudroyant, néanmoins la rapidité de sa marche a été en raison inverse de la force vitale du sujet. Les femmes et les enfants ont fourni le plus fort contingent de l’épidémie ». Le docteur note une surprenante information dans ses rapports : « Nous ne devons pas garder le silence sur l’observation, trois fois répétée, de l’immunité des ouvriers employés au lavage du sel.. »

C’est au cours de ces années difficiles que Noel Arnassant le menuisier semble s’être illustré par sa bravoure et son courage pour aider les Aigues-Mortais. A cette époque la photographie naissait à peine mais cependant il est mort en 1890, et il existe peut être une photographie de lui. Lorsque l’on regarde toutes ses vieilles images jaunies de nos vieux Aigues-Mortais inconnus, il est donc peut être là, au milieu du groupe, observant l’objectif du photographe et semblant nous dire : « c’est moi, Noel. » Finalement peu de témoignages de ces terribles années sont parvenus jusqu’à nous. A ce jour, nous n’avons pas de détails sur les actions qu’il a mené en faveur de la population.