Anecdotes Familiales
Famille Bonnefous -période 1943/45
L'avion de reconnaissance dans les Salins

L'avion de reconnaissance dans les Salins
L'avion de reconnaissance dans les Salins
Ce jour là Alexandre, accompagné d’un dénommé Delôme du Grau du Roi, se trouve dans le secteur de la Fangouze. Les deux ouvriers sont sur une levée, près d’une table salante, ils sont chargés de mettre en place des rails devant servir aux petits wagonnets pour le prochain levage. Il fait chaud, le temps est clair, ils sont en plein cagnard et commencent à souffrir de la chaleur. Un petit avion de reconnaissance Allemand tourne à très basse altitude sur le Salin, faisant des boucles entre la mer et Aigues-Mortes. Le manège dure depuis un bon moment: on peut apercevoir une partie du cockpit qui est ouverte, et deux ou trois personnes à bord. A un moment l’avion se dirige dans leur direction, se rendant probablement vers le secteur de Peccais, d’Ouest en Est. Lorsque l’avion s’approche, le collègue d’Alexandre prends sa pioche et fait mine de viser le coucou à l’instant ou il passe sur eux. Le résultat ne se fait pas attendre: l’avion fait un demi tour rapide et lorsqu’il arrive à leur hauteur, un soldat à l’intérieur tire une rafale de mitrailleuse à quelques mètres d’eux pour les effrayer. Les deux malheureux ont à peine le temps de se jeter en bas du lévadon pour se protéger des balles.. « Mais tu es fou non ? Tu vas nous faire tuer counas ! » Les deux hommes se disputent un moment alors que l’avion reprends sa direction vers l’Est..

Début de nuit agité à la Pêcherie

Début de nuit agité à la pêcherie
Début de nuit agité à la Pêcherie
En début de nuit un été. Ma grand-mère Maternelle, Fleurie Bonnefous, réveillée par des bruits de moteurs inhabituels provenant de l’ouest, se rend sur le pont de la pêcherie juste à côté de chez elle pour en savoir plus. Au dessus d’un étang situé vers l’actuel emplacement de la Grande Motte, elle observe durant de longues minutes une scène assez inhabituelle dans le secteur : une bataille aérienne entre deux chasseurs, avec des manœuvres en piqué et des bruits de mitrailleuse. Entrainement nocturne ou combat réel ? Elle ne connaitra jamais le fin mot de l’histoire. Ernest Bonnefous son mari, réveillé lui aussi, accours sur le pont, la sermonne et lui demande de rentrer tout de suite dans la maison.

La nourriture pendant l'occupation

La nourriture pendant l'occupation
La nourriture pendant l'occupation
Pour les familles nombreuses les plus modestes, l’occupation d’Aigues-mortes par les Allemands fut une période difficile. Nourrir correctement tout le monde à sa faim pouvait être parfois compliqué. Dans les Salins, un grand jardin avait été créé de toute pièce, juste à côté du mas de la Fangouze. Il avait été aménagé dans le but de nourrir les employés lors des récoltes de sel, et était entretenu hors saison. Mais tous le monde n’y avait pas accès. Toute sorte de légumes y étaient cultivés, surtout les plus rustiques. On avait dû pour cela réaménager, arracher joncs et roseaux, puis approvisionner en bonne terre cet espace surveillé de près. Le jardin a aujourd’hui disparu. Certains Aigues-Mortais en étaient réduits à la débrouille pour « joindre les deux bouts », l’occupant ayant effectivement confisqué toutes les armes à feu, y compris les fusils de chasse. Il n’était pas rare de voir des ouvriers du Salin essayant de surprendre au piège ou au gourdin quelque gibier, dans le but de ramener un peu de viande à la maison. Alexandre se souvenait d’une personne essayant d’attraper un flamant à la main au bord d’une table un matin d’hiver. Quand aux Allemands, ils tiraient régulièrement sur des taureaux dans les palus, pour alimenter les troupes sur place. Les manadiers devaient en être souvent pour leur frais.
Un matin très tôt Léontine Bonnefous, la sœur ainée, était partie à vélo dans le but de rechercher un surplus de nourriture. En fin d’après midi, la famille inquiète au possible la vit enfin revenir. La stupeur s’empara tout à coup de ses parents, lorsque Léontine revins avec une jambe ensanglantée : la pauvre avait chutée du vélo lors de son périple, qui l’avait conduite jusqu’à Gallargues-le-Montueux, à des dizaines de kilomètres de la petite maison familiale de la pêcherie. Elle avait réussie à rapporter quelques vivres pour la famille. Cette anecdote provient de ma mère, Renée Bonnefous la cadette, alors très jeune mais qui se souvenait encore de la scène. Après son retour, Léontine fût recousue « à vif » de sa blessure. Une des filles de Léontine, Christiane, se souvient d’avoir vue la cicatrice de sa mère des dizaines d’années après.
Alexandre avait aussi conservé un souvenir précis, l’une de ces scènes qui restent gravées dans la mémoire d’un enfant. Devant l’école sur le boulevard, à la sortie des classes une charrette passe, remplie de pommes de terre, destinée certainement aux soldats. Le charreton se met à balancer, et quelques patates tombent à terre. Les enfants se précipitent, et quelques chanceux réussissent à ramasser le précieux tubercule. Pour Les autres, c’est l’envolée de moineaux, les soldats chargés du transport dispersant rapidement les envieux à coup de trique.
Autre souvenir du curé Constantin, qui parlait constamment le patois du coin et qui était venu jusqu’à la pêcherie à pieds, lors d’une fête de Noël, pour offrir à la famille Bonnefous un petit filet à provision, contenant un gâteau (qu’Alexandre nommait « une coque ») et quelques oranges. Les six frères et sœurs étaient aux anges devant cette délicieuse attention.

Mort d'un soldat prisonnier

Mort d'un soldat prisonnier
Mort d'un soldat prisonnier
A la fin de la guerre, certains prisonniers Allemands avaient été sommés de participer activement à une opération de déminage dans les Salins. Certaines baisses et passages jugées stratégiques avaient été aménagés (comme la baisse des « piquets des Allemands »), pour d’autres des lignes de mines anti-personnel avaient étés installées. Alexandre se souvenait d’une matinée très particulière dans un Salin, ou après une forte détonation, les ouvriers s’étaient approchés ; un soldat allemand, contraint à déminer les abords, venait juste de sauter sur un explosif. Quelques instants plus tard, on sortait du marais le corps sans vie de ce pauvre bougre, enveloppé dans une couverture ensanglantée.

Travaux de défense des plages

Travaux de défense des plages
Travaux de défense des plages
Vers le Grau du Roi, on chasse les habitants de leurs maisons pour construire des fortifications en bord de plage. Rommel en personne est venu inspecter ces structures construites en Camargue. L’occupant craint un débarquement en Méditerranée. L’antique fort de Peccais est alors utilisé comme base défensive et la plage toute proche est sous surveillance. Ma mère me racontait que son frère Louis Bonnefous était parfois réquisitionné pour conduire à pieds des chevaux, jusqu’au bord de plage vers les prises. Une fois sur place les chevaux servaient à mettre en place des épis métalliques et autres ouvrages défensifs.
